Gamou du champ de courses : Serigne Cheikh prône une nouvelle légitimité politique au Sénégal
mercredi 11 mars 2009
Comme chaque Gamou, la prise de parole de Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum est très attendue. Entre critiques sociologiques, religieuses, historiques, politiques, le guide spirituel du Dahiratoul Walmoutarchidin Walmoutarchidaty a tenu en haleine l’assistance pendant près de six d’horloge.
(Envoyé spécial) - La politique a occupé une place centrale dans la causerie de Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum au Champ des Courses de Tivaouane, ce lundi. ‘Il est fondamental de trouver une nouvelle légitimité politique au pays’, a-t-il laissé entendre au beau milieu de son discours. ‘Comme on dit, la véritable légitimité politique, le Sénégal l’a connue en 2000. Et par la suite on sait de ce qu’il est advenu de la coalition victorieuse qui a éclaté quelques mois après. Il faut donc que les gens se mobilisent pour bâtir une nouvelle légitimité.
Et chacun doit s’impliquer’, commente le fils de Seydi Ababacar Sy qui a dit à qui veut l’entendre que les hommes religieux ne peuvent pas se détourner de la chose politique. ‘Le pays nous appartient tous’, répète-t-il. D’après lui c’est même une obligation pour que les hommes religieux aient leur mot à dire sur la gestion de la cité. Et d’insister : ‘Il faut une légitimité irréprochable. C’est la condition obligée pour faire revivre l’espoir dans ce pays’.
Comme l’année dernière, il a aussi réitéré son appel à ‘purifier’ le pays. ‘Le Sénégal en a tant besoin, mais pour cela, il faut une base solide. Je l’avais dit ici l’année derrière, mais il le faut, je vous le jure’, certifie-t-il, en Wolof. Avant de clore le chapitre politique de la causerie, Serigne Cheikh a invité solennellement la classe politique à ‘une campagne civilisée’ pour les locales.
En outre, le pari de la mobilisation a cette année encore été réussi. Le Champ des courses de Tivaouane a été le point de ralliement d’une foule de fidèles, armée de nattes, de chaises ou de tout autre objet pouvant servir de couchette pour ne pas rater la sortie très attendue de Serigne Tidiane Sy Al Makhtoum. La causerie annuelle du guide du Dahiratoul Walmoutarchidin Walmoutarchidaty est très courue. C’est certainement à cause du fait qu’il est l’un des rares guides religieux à ne s’exprimer qu’une fois l’an, à l’occasion du Maouloud comme on le répète à longueur de chansons.
Pour ce rendez-vous encore, Serigne Cheikh Tidiane Sy ibn Seydi Ababacar Sy a tenu un cours magistral à ses fidèles, venus l’écouter religieusement. Habillé d’un Jellaba gris avec capuchon, qui laisse transparaître son éternel bonnet rouge, il porte également une écharpe rouge autour du cou et de grosses lunettes de myope. Arrivée un peu avant après minuit, Serigne Cheikh a pris place au milieu du présidium dans un fauteuil luxueux, de couleurs jaune et bleu. Il avait à ses côtés son fils Serigne Moustapha Sy, son frère Pape Malick Sy et les ministres Madické Niang et Abdourahim Agne.
Toujours égal à lui-même, le fils de Seydi Ababacar Sy n’a pas l’habitude d’y aller avec le dos de la cuillère dans ses discours. C’est donc, un orateur hors pair avec son franc-parler qui a entretenu son public de sujets variés, touchant à la fois la sociologie, la religion et la politique. D’entrée de jeu, le guide spirituel des Moutarchidin Wal Moutarchidaty s’est livré à une critique sans réserve de ce qu’il considère comme relevant purement et simplement de ‘l’archaïsme débordant’ de la société sénégalaise.
Et D’après Serigne Cheikh Tidiane Sy Al makhtoum aussi loin que l’on peut remonter dans l’histoire, cet ‘archaïsme débordant’, qui a pour soubassement les coutumes ancestrales pré-islamiques, a été voué aux gémonies par des rois comme Alboury Ndiaye, roi du Djoloff et Lat Dior Diop, roi du Cayor et par des saints comme El Hadji Omar Tall. ‘Il faut s’affranchir de nos coutumes rétrogrades qui ne font que nous retarder. Alboury qui est mort en exil, Lat Dior Diop qui a été tué par les colons et El Hadji Omar Tall ont déploré ces pratiques.
Malheureusement dans ce pays, la coutume est très ancrée. Or, la coutume est incompatible avec la religion’, rappelle-t-il. Poursuivant son propos, Serigne Cheikh estime que ‘la coutume ne doit pas saper la pratique de la religion. Sinon, cet archaïsme débordant risque de prendre le dessus sur la pratique religieuse pure’, avertit-il.
CRISE DES VALEURS ET DES MÅ'URS : Quels repères offrir aux jeunes
Dans la communication du guide Serigne Cheikh Tidiane Sy, on trouve des rappels historiques sur sa vie et la politique que les plus jeunes parmi ses nombreux fidèles ignorent. C’est le cas lorsqu’il plonge l’assistance dans le souvenir de la crise de 1962 entre Diaistes et Senghoriens ou ses années de prison en compagnie de Me Wade, aujourd’hui devenu président de la République ; ou encore ses voyages à travers le monde sans oublier les inéluctables références à la vie du Prophète (Psl), de son grand-père El Hadji Malick ou tout simplement de son père Seydi Ababacar Sy (Rta).
Par ailleurs, Serigne Cheikh est longuement revenu sur la crise des valeurs et des mœurs. A ce propos, si comme toujours la jeunesse est pointée du doigt, le guide spirituel des Moutarchidin Walmoutarchidaty ne les accuse nullement. ‘Certains adultes aiment s’abriter derrière des accusations faciles du genre les jeunes sont mal éduqués. Je ne suis pas d’accord. Les jeunes doivent s’éduquer eux-mêmes par leurs pairs. Par exemple, un jeune qui se drogue ce n’est pas le fait d’un adulte, mais il est entraîné par un autre jeune comme lui. Il faut donc, pour renverser la tendance, faire en sorte que les jeunes s’éduquent entre eux’, plaide-t-il.
La causerie a pris fin à six heures dix minutes. Avant de se séparer de ses hôtes du Maouloud, Serigne Cheikh a prié pour les Talibé.